Triste nouvelle … 1 juin
Hier matin, le 31 mai 2014, Albert Rayon s’est éteint à l’âge de 93 ans. Vous imaginez bien que cette triste nouvelle me touche profondément, mais je me console en me disant qu’il est parti rejoindre son épouse Clémentine…
Je présente mes plus sincères condoléances à son fils Jean-Yves et son épouse, à sa fille Gisèle, à Céline Bazire et Guillaume Coves ses petits enfants, aux petits enfants d’Albert, et à Loic Col et sa famille.
Les hommages ne cessent d’être publiés dans la presse hippique, mais aussi dans la presse en général dans leurs rubriques spécialisées, vous trouverez ci-dessous les principaux articles parus. Une mention spéciale au site Equidia.fr qui a placé un lien sur mon site en fin d’hommage. Si cela peut aider à faire encore mieux connaitre ce qu’Albert a créé avec l’aide de sa famille, j’en suis comblé. Plus d’informations sur Albert Rayon : ici
Pour lire les hommages publiés :
Equidia.fr par Céline Maussang :
Et Céline termine son article en faisan référence à mon blog ! Merci à elle
Paris-Turf.fr par Pierre Champion :
Le Parisen.fr : ici
Tiercé Magazine.com : ici
Albert Rayon, le mayennais 27 avril
Albert Rayon est mayennais, et fier de l’être. « Tout mayennais est un éleveur en puissance », confie t-il en 1982 à Michel Bouchet, journaliste de Week-end.
Ce sont d’abord des bovins qu’élève Albert Rayon. En 1923, il n’a que quelques mois (il est né le 2 juillet 1921) quand ses parents arrivent à Fleuré, petit bourg de l’Orne, au pied des riches collines du Perche. Cultivateurs, éleveurs de bovins, ils s’installent à la Ferme du Pont. A quelques centaines de mètres de là, le hameau de Fleuriel abrite un élevage de trotteurs prestigieux, celui d’Hervé Céran-Maillard, dont le fils Roger au sulky, se couvre de gloire.
D’ailleurs, des chevaux sont là partout. Les tracteurs n’ont pas encore droit de cité, et en culture, le cheval est indispensable. Très tôt, le jeune Albert seconde son père qui, de plus, est marchand de bestiaux. C’est heureux car celui-ci décède brutalement alors que son fils n’a que vingt ans. C’est la catastrophe. Heureusement, le propriétaire de la Ferme du Pont a jugé le jeune homme et lui accorde toute confiance. De son coté, Albert promet de ne jamais abandonner la propriété. C’est si vrai qu’aujourd’hui encore, Albert y vit toujours, alors qu’à quelques kilomètres, il pourrait être royalement logé au Haras de La Coquenne.
En campagne, les distractions sont rares, et le dimanche, quoi de plus naturel que de suivre les courses régionales. On s’y retrouve entre amis, on parle de ses affaires et on s’amuse avec quelques chevaux. Tout cela ne laisse pas notre homme indifférent et il va bientôt imiter ses amis. Si les Céran-Maillard ne sont pas loin, il y a aussi Marcel Gougeon à Vrigny, un ami de toujours. Marcel Gougeon a deux fils, Jean-René et Michel-Marcel qui, par la suite, feront leur chemin.
L’occasion se présente un jour de 1945 à la gare de L’Aigle. Albert Rayon achète sa première jument, Ursuline IV. Elle porte dans ses flancs un produit qui va naître et qui sera baptisé Céline R (comme la petite-fille d’Albert Rayon plus de trente ans après).
Pourquoi ce R après Céline ? « A cette époque, on avait le droit de mettre une initiale après un nom, c’est aujourd’hui interdit. « R » pour Rayon. C’était une marque de fabrique ».
Les choses ayant changé, les chevaux de trot portent parfois le nom du haras où ils sont nés. Les produits d’Albert Rayon portent le nom du Pont, de la Ferme du Pont.
La petite commune de Fleuré abritait aussi un entraîneur célèbre à l’époque : Eugène Tambéri. C’est lui qui s’occupera de Céline R, puis de Diane R, le second produit d’Ursuline IV.
« Elle avait du modèle, je l’ai gardé comme poulinière, explique Albert Rayon, et j’ai bien fait : elle deviendra la grand-mère d’Upsal du Pont, un bon cheval qui, un jour, a même donné du fil à retordre à une certaine Une de Mai. »
Viendra ensuite Fleur du Pont qui sera confiée à Marcel Gougeon. Ce seront les vrais débuts sur le turf de la casaque d’Albert Rayon puisque c’est avec Fleur du Pont qu’il remportera sa première victoire à Vincennes en 1951. Elle était menée par Michel-Marcel Gougeon. De là va naître entre les deux hommes une solide amitié. C’est Michel-Marcel Gougeon qui fera gagner à Jean-Yves, le fils d’Albert Rayon, sa première course à Ecouché. Avec un tel professeur, Jean-Yves va faire son chemin. D’abord comme amateur – il va gagner plus de 250 courses – puis comme professionnel quand il sera le partenaire des chevaux de son père.
Pourtant, au début, Jean-Yves n’avait pas une affinité spéciale pour le cheval. Son père a su lui montrer la beauté de l’animal, et rapidement il lui a communiqué sa passion comme il le fera avec un de ses voisins, le comte de Montesson.
Etabli dans le village voisin de Francheville, Pierre de Montesson rencontre souvent Albert Rayon, professionnellement. On parle et un jour Albert Rayon propose une affaire. Il vient d’acheter un poulain à Louis Lemaître, un éleveur de trotteurs et de galopeurs. S’il accepte, il lui en cède la moitié. Pierre de Montesson, qui a quelques galopeurs, est amusé et l’affaire est conclue.
Kubler L sera le premier cheval d’une association qui va connaître de nombreux succès. Viendront ensuite Lieuvin, Nicias Grandchamp, Olten L, Pacha Grandchamp, Reza Grandchamp. Tous porteront la casaque bleu clair, toque orange, du comte de Montesson. Ces succès répétés ont conquis Pierre de Montesson qui va s’associer avec Pierre-Désiré Allaire. Albert Rayon préfère alors reprendre sa liberté. De plus, son fils Jean-Yves vient de sauter le pas, il est devenu professionnel et il veut lui donner sa chance.
« Je devais choisir une autre voie. Minou Gougeon qui avait monté mes premiers chevaux, m’a alors beaucoup aidé. Homme de cheval accompli au grand cœur, ses conseils nous ont été extrêmement précieux. Il m’a monté et drivé beaucoup de gagnants. Il a une main extraordinaire. »
Nous sommes en 1960. Ce sera l’année de la grande affaire Rayon. Une affaire qui va faire tout basculer.
A cette époque, Albert Rayon prend la décision de se consacrer à l’élevage des trotteurs. Décision mûrement réfléchie. Seul dans sa voiture, parcourant les routes de Normandie, il y a longtemps pensé. Il a tout pesé. Sa décision est prise. Un seul ennui, il manque de place. Il lui faut un haras, un vrai haras. Il trouve le haras de La Coquenne en 1962. Très bien placé, très bien construit, bien agencé, appartenant à l’Aga Khan, mais dans un état d’abandon (saccagée par les allemands pendant la guerre, et désaffectée depuis) qui donne à réfléchir et qui a même fait reculer plus d’un acheteur. Même les portes des cinquante-six boxes ont disparus.
Albert Rayon se jette à l’eau et achète. Petit à petit, il refait les toitures et les barrières, supprime des haies de ronces de trois mètres d’épaisseur par endroit. En quelques années, La Coquenne va redevenir le magnifique haras qu’il était. Ses près et ses boxes vont se peupler petit à petit. Adossé à une colline, le haras surplombe quatre-vingts hectares d’herbages divisés en vastes parcs.
« A partir de là, j’ai pu mettre en pratique mes théories. A mon sens, l’élevage ne se fait pas qu’avec la chance. Il ne faut croire que vous savez tout, que vous avez tout compris parce que vous avez élevé un jour un bon cheval. Surtout pas. Il faut d’abord sélectionner les mères, avoir une jumenterie de qualité. Malheureusement, il y a le côté financier. La Coquenne a été pour moi un coup de cœur. Quand j’ai vu ce haras, même dans l’état où il était, j’ai su que c’était celui-là que je voulais. Mais il m’a fallu faire un énorme effort financier qui m’a freiné ensuite. J’aurais bien aimé acheter telle ou telle bonne poulinière. J’ai dû patienter. De ce côté-là, mon choix est dicté par deux critères : les origines et le modèle. Il faut des juments ayant montré en courses une certaine qualité, ou alors nées de parents ayant fait leurs preuves au plus haut niveau. »
« Ensuite, le modèle : une épaule inclinée, le rein bien attaché, une bonne arrière-main, des jarrets – très importants chez le trotteur – pas trop hauts, pas trop droits et une poitrine profonde. J’aime bien les chevaux qui vont bien sous la selle. Ils sont souvent plus compacts et transmettent une certaine rusticité. Je crois qu’il ne faut pas contrarier les aptitudes. J’ai eu l’exemple de Fleur du Pont, pas bonne à l’attelage, elle était excellente au monté, marchant 1’22’’. Elle a affronté les ténors comme Fidji et Fandango. »
Mais tous les coups ne sont pas gagnants. Orchita, achetée cher pour Jean-Yves, alors amateur, va gagner trente-cinq courses dans sa carrière, dont deux le même jour, une à Le Sap, l’autre à Bagnoles-de-l’Orne, mais ne fera rien au haras. Jamais elle n’a pu avoir de poulain. Sa sœur, Reinata III, sera au contraire prolifique et donnera la bonne Italia du Pont : « elle était très bonne, mais elle a eu contre elle de naître la même année que Idéal de Gazeau et Ivory Queen. »
« La force d’un trotteur dépend aussi du terroir et de la qualité de la nourriture.»
Mais l’éleveur est aussi vendeur : « j’ai cédé ma Colivette pleine de Le Loir. Elle allait donner naissance à un certain Ténor de Baune ! »
L’homme sourit. Sans amertume aucune. « Je n’ai aucun regret. C’est la meilleure publicité pour mon haras. Tout comme je suis très heureux qu’Ulf Nordin se soit porté acquéreur de Courlis du Pont, par Opus Dei certes, mais pur produit Rayon puisque Hirondelle du Pont est issue de Ruy Blas IV, l’un des piliers de mon élevage ».
Le 19 juin 2002, Albert Rayon décide de réduire l’effectif de son élevage, et se sépare du Haras de la Coquenne pour retourner s’installer à la Ferme du Pont. Le Haras de la Coquenne est vendu à Jean-Claude Bulens, éleveur dont les trotteurs courent sous les couleurs du propriétaire Ecurie Haras de la Coquenne.
Samedi 13 novembre 2010, le président du Sénat Gérard LARCHER a remis, sur l’hippodrome du pays d’Argentan, l’Ordre national du Mérite à l’éleveur Albert Rayon. Jean-Yves Rayon, a reçu la médaille du Mérite agricole. Pour Albert Rayon, c’est « le plus beau jour de ma vie professionnelle… » Le constat est simplement énoncé, comme évident, avec la satisfaction intérieure du travail bien fait. Albert Rayon arbore un sourire presque modeste. L’alerte patriarche de 89 ans n’aime guère afficher sa fierté à la boutonnière, mais admet que ce moment unique, cette « reconnaissance » de la Nation vient couronner une carrière longue comme la ligne droite de Vincennes. « Ma plus grande victoire, c’est la durée, avoir su rester à ce niveau. »
Homme de caractère qui a mené ses affaires avec poigne, Albert Rayon aspire maintenant à « passer le relais à mes enfants. »
Hier matin, le 31 mai 2014, Albert Rayon s’est éteint à l’âge de 93 ans. Vous imaginez bien que cette triste nouvelle me touche profondément, mais je me console en me disant qu’il est parti rejoindre son épouse Clémentine…
Je présente mes plus sincères condoléances à son fils Jean-Yves et son épouse, à sa fille Gisèle, à Céline Bazire et Guillaume Coves ses petits enfants, aux petits enfants d’Albert, et à Loic Col et sa famille.
Les hommages ne cessent d’être publiés dans la presse hippique, mais aussi dans la presse en général dans leurs rubriques spécialisées, vous trouverez ci-dessous les principaux articles parus. Une mention spéciale au site Equidia.fr qui a placé un lien sur mon site en fin d’hommage. Si cela peut aider à faire encore mieux connaitre ce qu’Albert a créé avec l’aide de sa famille, j’en suis comblé. Pour lire ces hommages : ici